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Séminaire international « Impacts de la Cour interaméricaine des droits de l'Homme en Amérique latine »

Catégorie(s): Human rights, Voluntary cooperation, Inter-American human rights system, Guatemala, 2017

L’auteure, Pénélope Roussel, est conseillère juridique volontaire déployée au Guatemala dans le cadre du projet «Protection des enfants, femmes et autres collectivités en situation de vulnérabilité» (PRODEF) mis en œuvre par Avocats sans frontières Canada (ASFC) et le Bureau international des droits des enfants (IBCR) grâce à l'appui financier du gouvernement du Canada accordé par l'entremise d'Affaires mondiales Canada.

La 57e période extraordinaire de sessions de la Cour interaméricaine des droits de l'Homme (CourIDH) s'est ouverte le 20 mars 2017 dans la Ville de Guatemala. Après une cérémonie d'ouverture au Palais présidentiel, la première journée de la semaine a été dédiée à un séminaire international qui s’articulait autour des impacts de la CourIDH en Amérique latine. Quatre panels d'experts composés principalement de juges de la CourIDH et de juges guatémaltèques exerçant au sein de la Cour constitutionnelle et de la Cour suprême ont pris place dans la salle d'audience de cette dernière afin d'exposer les concepts juridiques et les expériences pratiques sur les aspects suivants:

I. Les droits humains et la démocratie

Le premier groupe de panélistes s’est penché sur l’importance de la démocratie dans la garantie et la protection des droits humains. Dans un premier temps, Elvyn Diaz Sánchez, président de l’Institut des études comparatives en sciences pénales du Guatemala, a abordé les questions de corruption, d’impunité et de criminalisation des défenseurs de droits humains, mentionnant notamment l’Affaire Barillas (1), qui constituent selon lui des défis importants auxquels fait face la démocratie au Guatemala. Le juge Eduardo Vio Grossi de la CourIDH a affirmé qu’«il n'existe pas de démocratie sans respect des droits humains. L'inverse est vrai également, les droits humains n'existent pas sans démocratie.»

II. Les groupes en situation de vulnérabilité

Les présentations du second panel d’experts ont porté sur les défis et les limites que rencontrent les groupes en situation de vulnérabilité dans l’exercice de leurs droits humains. Les principaux thèmes abordés ont été les droits des migrants et les droits des femmes. Le juge Eduardo Ferrer Mac-Gregor, vice-président de la CourIDH, a souligné la vulnérabilité de 244 millions de migrants à travers le monde. Il a mentionné que 214 cas touchant des groupes en situation de vulnérabilité ont été soumis à la CourIDH, 40 d’entre eux étant relatifs aux droits des migrants. La juge Elizabeth Odio Benito de la CourIDH a effectué un plaidoyer relativement aux violences basées sur le genre et a souligné la tragédie du 8 mars dernier survenue au Guatemala dans un refuge connu sous le nom de « Hogar Seguro ». Lors de cette Journée internationale de la femme, plus de 40 jeunes filles sont décédées lors d’un incendie. Elle a rappelé qu’il incombe à l’État d’éradiquer la violence à l’égard des femmes, comme indiqué dans les traités internationaux.

III. Le contrôle de conventionalité et les impacts des mesures de réparation

Le juge Humberto Sierra Porto de la CourIDH a expliqué le mécanisme de contrôle de conventionalité, à travers lequel l’État doit vérifier que ses normes internes correspondent aux standards internationaux. Dina Josefina Ochoa Escribá, magistrate à la Cour constitutionnelle du Guatemala, a rappelé les différentes catégories de réparations existantes, soit : la restitution, l’indemnisation, la réparation des dommages ayant affecté le projet de vie, la satisfaction et les garanties de non-répétition. Elle a par ailleurs cité le célèbre cas emblématique de Myrna Mack Chang en lien avec ces deux dernières catégories. Enfin, Patricia Valdés Quezada, juge à la Cour suprême de justice du Guatemala, a notamment mentionné le cas emblématique de Chuarrancho, qualifiant d’innovatrice la décision de la Cour constitutionnelle du Guatemala relative à des questions de droits de propriété sur des terres ancestrales (2).

IV. Les droits des peuples autochtones et tribaux

La présentation du juge Patricio Pazmiño Freire de la CourIDH a porté principalement sur le thème de la propriété collective des communautés autochtones. Il a insisté sur la relation particulière que celles-ci entretiennent avec la terre. Le juge qualifie cette relation de spirituelle et non de possession au sens commun du terme. Il mentionne également d’autres droits des peuples autochtones, tels que le droit à la consultation préalable, le droit à la personnalité juridique du groupe et le droit à l’identité culturelle. Il a finalement abordé la complémentarité et l’interdépendance entre les diverses catégories de droits humains, qui sont deux éléments essentiels au renforcement de la démocratie. Liliana Valiña, Rapporteure spéciale pour le Guatemala au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, a abordé les questions de discrimination et de racisme à l’égard des communautés autochtones et a souligné le 10e anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui sera célébré en septembre 2017. La juge Gloria Patricia Porras Escobar de la Cour constitutionnelle du Guatemala a également participé au panel.

(1)http://www.asfcanada.ca/fr/blogue/billet/je-sais-qu-il-fait-deja-nuit-mais-le-soleil-de-la-justice-a-commence-a-pointer-sur-notre-pays-observation-du-proces-barillas-au-guatemala/346

(2) Celle-ci a en effet créé un précédent au Guatemala, reconnaissant pour la première fois l’existence de ce droit d’une manière collective et non individuelle.